Publiés en mai 2025, ces travaux décrivent ce procédé de fabrication durable d’un matériau qui pourrait servir à protéger ou filtrer les ondes électromagnétiques dans lesquelles nous baignons en permanence (5G, Wifi, Ligne à haute tension, Bluetooth, etc.), par exemple dans des dispositifs de protection contre les interférences. Une technologie qui a attiré l’attention d’une agence du ministère des armées pour une application étonnante : « Nous pourrions imaginer des peintures composées de ces pérovskites « mécano-synthétisées » pour « camoufler » des véhicules. Les radars localisent les avions ou les sous-marins en émettant des ondes qui vont rebondir à leur surface et révéler leur position. Avec ce type de revêtement, les ondes seraient piégées au sein du matériau et ne reviendraient donc pas à l’émetteur du signal. Cette application intéresse naturellement la défense militaire, c’est pourquoi nous avons reçu des financements de l’agence Innovation Défense (AID) afin de poursuivre le développement de ce type de matériaux stratégiques » explique Sylvie Bégin-Colin qui a également reçu un financement ANR spécifiquement pour cette application.
La chercheuse précise également le rôle de la Fondation Jean-Marie Lehn dans l’élaboration de ces matériaux : « Nous avons remporté un appel à projets de la Fondation qui nous a permis de financer les expériences de Yihui durant sa thèse, qui, elle, était financée par une bourse du Ministère de la Recherche et de l’enseignement supérieur. Ce type de financement nous a permis de nous lancer sereinement dans ce type de projet exploratoire. C’était un projet atypique dans le laboratoire puisque personne de l’équipe ne faisait de mécanosynthèse à ce moment-là, ni ne travaillait sur ce type de matériaux. Yihui a été très impliquée pour mettre en oeuvre ces méthodes et a développé des collaborations avec le CEA de Grenoble, le synchrotron SOLEIL, une université américaine de Northwestern ou encore l’Université d’Anvers en Belgique où elle est restée 1 mois. Les fonds de la Fondation ont rendu cette aventure scientifique possible ».
D’autres applications de ces matériaux sont encore à l’étude. « Un autre article est d’ailleurs en cours de publication » dévoile Yihui Cai avec enthousiasme : « Cette fois-ci, les particules de pérovskites « mécano-synthétisées » sont associées à de fines couches de graphène et utilisées comme détecteurs de rayons X(CEA Grenoble) et comme photodétecteurs (ICUBE). Ce type de matériau peut s’avérer précieux dans le domaine de l’imagerie médicale ». En effet, lors d’une radio ou d’un scanner, les rayons X traversent le corps du patient. Selon les tissus rencontrés (os, organes, air…), une partie des rayons est absorbée et d’autres traversent les tissus pour être interceptés par un détecteur placé de l’autre côté. Les pérovskites peuvent être utilisées comme des détecteurs extrêmement précis : le matériau capte les rayons X et les transforme en signal électrique, qui est ensuite converti en image numérique. Ces matériaux peuvent potentiellement réduire en plus les dangers des rayons X pour les patients, car ils peuvent détecter les rayons X même à faible dose, et ce avec une meilleure résolution que les détecteurs actuels composés de tellurure de cadmium.
Les propriétés de ces matériaux hybrides sont aussi intéressantes dans le domaine du stockage de l’énergie, notamment dans les supercondensateurs et les batteries. Une chose est sûre, la caractérisation de ces nouvelles pérovskites hybrides a ouvert la voie à une multitude d’applications dans des domaines cruciaux pour l’avenir.