Actualités > Prix et distinctions
Retour à la liste des actualités

Lucille Weiss : des sondes fluorescentes innovantes pour détecter rapidement les infections bactériennes

Lucille Weiss, récemment diplômée de l’Université de Strasbourg, a remporté le prix de thèse de la Fondation Jean-Marie Lehn. Une récompense qui vient saluer un parcours académique remarquable pour cette jeune chercheuse qui a développé un nouvel outil pour révéler la présence de bactéries dans des échantillons de patients. Ses travaux, effectués au sein du Laboratoire d’Innovation Thérapeutique à Illkirch sous la direction de Dominique Bonnet et l’encadrement de Julie Karpenko, ouvrent des perspectives enthousiasmantes pour de futurs outils de diagnostic plus rapides que les méthodes existantes.

Dr Lucille Weiss

Détecter une infection bactérienne : des analyses qui prennent actuellement plusieurs jours

La durée d’analyse bactériologique d’un échantillon d’urine prend actuellement 2 jours. Il est urgent de trouver de nouvelles méthodes plus rapides pour les patients afin qu’ils bénéficient de traitements efficaces sans attendre et d’éviter tout retard de diagnostic pouvant entraîner des complications graves. Ce délai pousse également les médecins à prescrire des antibiotiques préventivement, avant même de savoir s’il s’agit bien d’une infection bactérienne. L’usage abusif et inutile des antibiotiques a malheureusement contribué au développement de bactéries qui sont devenues résistantes aux antibiotiques. Cette antibiorésistance constitue l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, selon l’OMS 1.

L’objectif de la thèse de Lucille Weiss a été de développer une sonde fluorescente capable de s’activer et d’émettre une lumière détectable uniquement au contact de bactéries en solution. La chercheuse précise l’originalité de son approche « il existe déjà des sondes fluorescentes qui reconnaissent des bactéries, mais elles sont parfois toujours fluorescentes ou peu spécifiques. Il faut donc effectuer des lavages de la solution pour éliminer les sondes non liées aux bactéries. C’est laborieux et il y a toujours un signal résiduel pouvant amener à un faux positif. La sonde que nous avons synthétisée intègre un marqueur fluorescent associé à des peptides reconnaissants les membranes des bactéries. En milieu aqueux, le fluorophore n’émet aucune lumière, il ne s’active qu’une fois la sonde liée à une bactérie. La sonde va alors émettre un rayonnement détectable avec une méthode appelée cytométrie de flux ». Testée en présence d’autres cellules de mammifères, cette sonde de type « Turn ON » permet une détection spécifique et surtout quasi instantanée.

Figure 1 : la sonde ne s’active uniquement en contact avec la bactérie et émet alors un signal lumineux détectable.

Des outils innovants pour faciliter l’étude des bactéries

La découverte de nouvelles molécules bactéricides est un enjeu de santé publique pour lutter contre l’antibiorésistance. Certaines stratégies des laboratoires sont basées sur la modélisation informatique de milliers de molécules avec un potentiel thérapeutique. Si en théorie leur structure est intéressante, il faut néanmoins synthétiser et tester chacune de ces molécules pour évaluer leur capacité à affaiblir des bactéries.
Durant sa thèse, Lucille Weiss a également développé un autre type de sonde capable de changer de couleur en fonction de l’état de santé de la bactérie ciblée 2 : « La sonde se fixe à la surface de la bactérie et possède un fluorophore qui émettra du jaune quand la bactérie est saine, mais émettra du rouge en cas d’atteinte de l’enveloppe bactérienne (figure 2). Cela pourrait être pratique pour réaliser une première sélection des molécules thérapeutiques qu’on souhaite tester, en privilégiant celles qui semblent déjà affecter les bactéries via ce test colorimétrique ».
Figure 2 : la couleur émise par la sonde révèle l’état de santé des bactéries en présence. 2

Entre le laboratoire et les compétitions sportives, un parcours inspirant récompensé

En parallèle de sa carrière scientifique, Lucille Weiss a toujours pratiqué la gymnastique rythmique, une passion qui lui a permis d’acquérir un mental de chercheuse : « Je suis gymnaste depuis toute petite. Faire de la compétition, c’est s’astreindre à refaire des centaines de fois les mêmes gestes, persévérer, repousser ses limites et travailler un mental résistant à l’échec. Cet entraînement a forgé mon caractère résilient et combattif, des qualités très utiles pour un doctorat ! ». Le prix de thèse de la Fondation Jean-Marie Lehn viendra assurément décorer son étagère de coupes sportives, une récompense qui la touche particulièrement : « Il y a toujours le spectre du syndrome de l’imposteur qui plane au-dessus de beaucoup de doctorant.es. Recevoir ce prix, c’est comme une validation, on se dit « OK, j’ai eu des félicitations du jury pour mon doctorat, j’ai même un prix de thèse… ça veut dire qu’on a quand même fait du bon boulot ! », et on repart plus confiant.e au labo ! ».

Aujourd’hui en postdoctorat, Lucile Weiss n’exclut pas de poursuivre sa carrière dans l’industrie malgré une thèse réussie : « Mes deux parents sont chercheurs, donc je connais les difficultés de la recherche publique. Pour l’instant je poursuis mes recherches à Strasbourg, mais je pense me tourner plus tard vers le privé. Dans tous les cas, la thèse a été une expérience riche, je retiendrais surtout la qualité des relations humaines avec mes collègues, la disponibilité des chercheurs.euses qui m’ont formé à des techniques nouvelles, la qualité des interactions avec mes pairs lors de congrès scientifiques. Cette thèse multidisciplinaire m’a appris la force du collectif et la nécessité de communiquer avec les autres scientifiques pour s’ouvrir l’esprit ».

Le Fondation Jean-Marie Lehn félicite Lucille Weiss pour la qualité de son parcours et les perspectives de ses travaux de recherches pour le développement de nouvelles méthodes de diagnostic.

Cérémonie de remise des prix de thèse le 20 juin 2025 

La cérémonie de remise des prix s’est tenue le vendredi 20 juin 2025, en présence des lauréats, de leurs directeurs de thèse et de représentants de la Fondation. D’un montant de 1500 €, le prix de thèse de la Fondation Jean-Marie Lehn met en lumière des travaux de recherche remarquables, novateurs et porteurs d’impact, menés sur le territoire strasbourgeois.

Sources

1.  https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/antibiotic-resistance

2. Flow Cytometry Analysis of Perturbations in the Bacterial Cell Envelope Enabled by Monitoring Generalized Polarization of the Solvatochromic Peptide UNR-1. Lucille Weiss et al., Analytical Chemistry Vol 97/Issue 1, décembre 2024. https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acs.analchem.4c04953