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Une nouvelle approche thérapeutique antibactérienne pour enrayer les infections mortelles de patients souffrant de mucoviscidose

Maladie génétique rare, la mucoviscidose touche 7743 personnes en France1, soit une naissance sur 4000 à 5000. Cette pathologie, caractérisée par la production de mucus épais et visqueux, affecte principalement les poumons et le système digestif. Les infections respiratoires à répétition sont la principale cause de décès des patients dont l’espérance de vie se situe entre 40 et 50 ans en moyenne. La bactérie opportuniste Pseudomonas aeruginosa est responsable de la majorité des décès infectieux. L’utilisation répétée d’antibiotiques pour l’éliminer conduit à l’émergence de souches résistantes, souvent fatales pour ces patients. Une équipe de recherche strasbourgeoise, à l’interface entre la chimie et la biologie, développe un tout nouvel antibiotique ciblant, entre autres bactéries, Pseudomonas aeruginosa. Myriam Seemann, directrice de recherche au CNRS et responsable du Laboratoire de Chimie Biologique et Applications Thérapeutiques (CBAT) à l’Institut de Chimie de Strasbourg, revient sur la genèse de ce projet innovant : « Il y a quelques années, nous avons découvert deux nouvelles enzymes indispensables à la survie de certaines bactéries, notamment celles présentes chez les patients atteints de Mucoviscidose. Comme les cellules humaines n’utilisent pas ces enzymes, elles sont des cibles de choix pour bloquer la prolifération des bactéries et prévenir la mort de nombreux patients. Ces enzymes très spécifiques ont été peu étudiées, car très instables (elles se dégradent au contact de l’oxygène). Notre laboratoire a développé une expertise unique dans leur purification et leur caractérisation pour mieux comprendre leurs mécanismes d’action dans le but de l’exploiter pour développer de nouveaux antibiotiques».

Cette découverte, qui a valu au Dr Seemann la médaille de bronze du CNRS, est aujourd’hui exploitée par une jeune chercheuse du laboratoire qui a débuté sa thèse en 2020 grâce à un financement européen. « Durant ma thèse, j’ai participé à l’étude d’une molécule inhibitrice d’une de ces enzymes bactériennes appelée IspH. In vitro, l’activité d’IspH de la bactérie Pseudomonas aeruginosa est totalement abrogée par cette molécule, c’est très encourageant ! Cependant, un défi majeur persiste : trouver un moyen de faire pénétrer cet inhibiteur de IspH à l’intérieur des bactéries », précise Gabriella Ines Bianchino, doctorante italienne en charge du projet. « Grâce au soutien des associations Vaincre la Mucoviscidose et Grégory Le Marchal, je dispose de six mois supplémentaires pour modifier une petite partie de la molécule inhibitrice afin de lui permettre de traverser la paroi des bactéries et de neutraliser son enzyme cible. »

Si cette étape cruciale est franchie avec succès, la molécule ainsi obtenue représentera la toute première d’une nouvelle classe d’antibiotiques, une révolution dans ce domaine où la dernière classe d’antibiotique découverte et utilisée par la suite avec succès, date de …la fin des années 80! L’étape suivante consistera à évaluer la toxicité de cette molécule sur les cellules humaines, puis à réaliser des tests sur des modèles animaux avant de débuter les essais cliniques.

À terme, l’objectif est d’offrir une thérapie supplémentaire pour les patients atteints de mucoviscidose, et plus généralement une nouvelle arme thérapeutique dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques, un fléau classé par l’OMS comme l’une des 10 plus grandes menaces pour la santé publique mondiale2.

Gabriella Ines Bianchino, doctorante au Laboratoire CBAT utilisant une boite à gants où l’atmosphère inerte sans oxygène est indispensable à l’étude d’enzymes bactériennes très instables.